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Harcèlement au travail et témoins

Le harcèlement au travail est une problématique aujourd’hui très reconnue, spécifiée dans le Code du Travail en France (article L1152-1).

Nous avons déjà parlé de la notion de harcèlement moral, et aussi de combien la responsabilité des témoins peut être cruciale. Peut-être avez-vous déjà eu peur d’être témoin de harcèlement au travail ? Ou l’avez-vous déjà été ?

Dans cet article, nous allons nous intéresser à un phénomène pouvant toucher n’importe qui, et ce peu importe nos valeurs personnelles. Cet effet peut être un frein à la lutte contre le harcèlement au travail et peut grandement impacter les victimes.

L’effet du témoin – qu’est-ce que c’est ?

Pour commencer, qu’est-ce que l’effet du témoin ? Également connu sous le nom d’Effet Kitty Genovese, du nom d’une victime d’agression décédée malgré 38 témoins de la scène.

Suite à un déferlement médiatique, les chercheurs en psychologie sociale Darley et Latané (1968) ont pu observer cet effet de façon expérimentale en suivant la méthode scientifique. Son principe est simple, dans une situation où une personne a besoin d’aide, la chance qu’un témoin intervienne est inversement proportionnelle au nombre de témoins.

Autrement dit, plus il y a de témoins, moins il y a de chances qu’une personne vienne en aide à la victime. Les chercheurs expliqueraient ce phénomène par le fait que la responsabilité individuelle se diluerait dans le groupe.

L’effet du témoin sur le harcèlement au travail

Le milieu du travail n’est pas exonéré des dangers de l’effet du témoin. Pour commencer, il est important de noter que 70 % des victimes de harcèlement ne rapportent aucun incident comme le rapportent Elphick, Minhas & Shaw (2020).

Voir aussi : Les Chiffres Clés pour Comprendre le Stress au Travail

Dans cette étude, les chercheurs ont cherché à connaître quel pourcentage de témoins de harcèlement au travail en ont ensuite parlé à leur département de ressources humaines. Les résultats ont montré que 77 % des témoins de harcèlement s’abstiennent de rapporter l’incident, ce qui est significativement supérieur au pourcentage de victimes qui n’en parlent pas.

Par ailleurs, 53 % n’en ont même pas parlé à un collègue. Enfin, 35 % n’en ont pas parlé, même en dehors du travail.

Les raisons de l’abstention ?

Dans cette même étude d’Elphick, Minhas et Shaw (2020), les chercheurs ont demandé aux participants qui se sont abstenus d’en parler aux RH, pourquoi ils s’étaient abstenus.

La peur des conséquences est évoquée en première. Ensuite, le fait que cette dénonciation relevait de la responsabilité de la victime, le fait qu’ils ne voulaient pas interférer, ainsi que le fait que « tout le monde le savait » étaient les trois autres raisons les plus évoquées. Ces derniers points peuvent être rapprochés de l’effet du témoin.

 

 

La Dr. Julia Shaw, chercheuse en psychologie à l’University College London, parle de l’importance de la prise de paroles des témoins.

Quelles solutions ?

Pour conclure leur étude, Elphick, Minhas et Shaw (2020) ont proposé quelques mesures afin de remédier à la problématique de l’abstention.

D’abord, les lieux de travail devraient encourager les témoins à protéger les victimes et les autres témoins contres les effets néfastes du silence. Par conséquent, les professionnels des ressources humaines seront plus à même d’être au courant et d’agir.

Ensuite, les lieux de travail doivent informer les éventuels témoins que tout report sera encouragé, pris au sérieux et donnera lieu à de réelles mesures pour encourager la solidarité avec les victimes. Cette mesure prend compte que travailler dans un environnement sujet au harcèlement correspond à travailler dans un environnement malsain.

Voir aussi : Forger une culture d’entreprise axée sur la santé

Leur troisième proposition vise à rassurer quant au fait que les témoins désireux de rapporter ne seront pas considérés comme interférant de manière inappropriée. Au contraire, ils seront valorisés en tant qu’employés pour leur intérêt envers la victime et le lieu de travail.

Cependant, la quatrième mesure souligne que les témoins devraient être éduqués à demander la permission aux victimes avant d’aborder le sujet sur le lieu de travail. En effet, cela redonne du contrôle aux victimes sur leur anonymat. De plus, cela réduit les risques de représailles et de contagion sociale négative.

Pour conclure

La dernière mesure concerne le processus de rapport. En effet, là où certaines plateformes existent pour les victimes, leur usage devrait être étendu aux témoins.

De plus, leur accessibilité devrait être optimisée, par exemple, à travers des instructions claires, un accès facilité par ordinateur ou des formulaires précis, plusieurs choix de plateformes, une possibilité d’anonymat, voire un processus automatisé. Cela s’inscrit dans la bonne conception et le bon choix d’une TIC au travail.

Enfin, comme l’indique le Dr. Shaw dans sa conférence TEDx, il semble essentiel de favoriser le développement d’une bonne identité sociale partagée entre les employés.

L’idée n’est donc pas de transformer le lieu de travail en un endroit malsain où tout le monde surveille et se méfie des autres, mais plutôt d’induire une cohésion, d’instaurer une dynamique collectiviste et d’entraide. Cela peut se manifester malgré les différences de chaque employé, qu’elles soient culturelles, sociales, d’âge, ou de poste.

Références

Brodsky, C. M. (1976). The harassed worker. DC Heath & Co.

Elphick, C., Minhas, R., & Shaw, J. (2020). Everybody knows : The importance of speaking up about witnessed workplace harassment and discrimination.

Latane, B., & Darley, J. M. (1968). Group inhibition of bystander intervention in emergencies. Journal of personality and social psychology, 10(3), 215.

Shaw, J. (1591110985). How to support witnesses of harassment and build healthier workplaces. https://www.ted.com/talks/julia_shaw_how_to_support_witnesses_of_harassment_and_build_healthier_workplaces/transcript.